Critán amena Móen à l’hôtellerie des invités, que Fidelma avait jugée plus propice que les étables à son interrogatoire. À part Fidelma et Eadulf, seul Gadra était présent. Dubán était parti s’entretenir des voleurs de bétail avec Crón.
Le silence se fit quand le jeune guerrier, toujours aussi insouciant et arrogant, traîna l’infortuné Móen dans la pièce. Fidelma constata cependant que Móen était propre et ne semblait pas avoir été maltraité. Mais son visage exprimait une peur et un désarroi pitoyables, car il ne comprenait toujours pas l’hostilité dont il était l’objet.
Critán l’obligea à s’asseoir sur une chaise où il s’affala, la tête penchée sur le côté. Puis le jeune guerrier se tourna vers eux avec un sourire mauvais.
— Le voilà. Et maintenant, quels tours allez-vous lui faire exécuter ?
Gadra s’avança, la respiration sifflante de colère, et pendant un instant Fidelma crut qu’il allait frapper le jeune insolent.
Puis il se passa une chose curieuse.
Móen releva la tête et huma l’air. Pour la première fois, Fidelma vit une expression d’espoir se peindre sur ses traits et il commença à émettre de petits gémissements.
Gadra alla aussitôt s’asseoir auprès de lui.
En voyant le visage de l’infirme s’illuminer d’une joie et d’un espoir insensés, Fidelma resta pétrifiée. Gadra avait pris la main gauche que Móen lui tendait, paume ouverte, et il y traça très rapidement des signes et des circonvolutions. Fidelma comprit que c’était là le contact que Móen avait tenté d’établir avec elle dans l’écurie. Et maintenant, n’importe qui aurait pu témoigner qu’il s’était engagé une conversation entre l’infirme et l’ermite, dont les doigts et les mains s’agitaient en un manège incessant.
Soudain, Móen poussa un cri étranglé, puis il se mit à se balancer d’avant en arrière, comme s’il souffrait le martyre. Gadra passa un bras autour des épaules du garçon et leva la tête vers Fidelma. Ses yeux étaient noyés de tristesse.
— Je viens de lui apprendre la disparition de Teafa.
— Comment a-t-il pris la mort d’Eber ?
— Sans surprise, car je pense qu’il en était déjà informé. Je lui ai rapporté ce qui s’était passé et de quoi il était accusé.
— Vous lui avez parlé ? s’exclama Crítán avec un rire cynique. Allons, vieux fou, je goûte la plaisanterie mais...
— Taisez-vous et sortez d’ici ! le rabroua Fidelma. Vous reviendrez quand on vous rappellera.
— Ce prisonnier a été placé sous ma responsabilité, éructa le jeune homme qui s’était empourpré. C’est mon devoir...
— ... d’obéir à mes ordres sans discussion. Et maintenant vous allez dire à Dubán que je ne veux plus jamais vous revoir auprès du captif. Dehors !
— Vous ne pouvez pas...
Eadulf se leva, enserra le bras du guerrier d’une poigne de fer, l’escorta jusqu’à la porte et le jeta dehors avec autant de ménagement qu’il en avait montré à l’égard de Móen.
Quand il revint dans la pièce, il croisa le regard de Gadra qui l’observait en souriant.
— Je reconnais bien là votre sens pratique, une qualité que j’apprécie, frère saxon.
Fidelma, qui était penchée sur Móen, se tourna vers Gadra.
— Pendant qu’il se remet du choc de la terrible nouvelle que vous venez de lui annoncer, j’aimerais connaître la méthode que vous utilisez pour vérifier qu’elle est authentique.
Le vieil homme poussa une exclamation agacée.
— Vous me décevez, mon enfant. Vous pensez vraiment que j’ai inventé tout ça ?
— Pas du tout, s’empressa de rectifier Fidelma, mais, pour présenter cette affaire devant une cour de justice, j’ai besoin de comprendre comment vous vous y prenez.
Gadra hocha la tête d’un air dubitatif.
— En tant qu’avocate, je suppose que vous connaissez l’ancien alphabet ?
Fidelma écarquilla les yeux.
— Voilà donc le moyen que vous utilisez ?
L’ogam était la forme d’écriture la plus ancienne chez les peuples des cinq royaumes. On retranscrivait les vingt caractères de cet alphabet grâce à des encoches horizontales ou verticales tracées en fonction d’une ligne de base. La mythologie disait que le dieu Ogma, patron de la connaissance et de l’apprentissage venu du sud-ouest de Muman, lieu de toutes les initiations, avait appris aux sages l’usage des caractères afin qu’ils puissent voyager et enseigner l’écriture. En Éireann et au-delà des mers. Des textes étaient retranscris sur des baguettes de coudrier ou de tremble et de nombreuses pierres tombales portaient des inscriptions en ogam. Avec l’introduction de l’enseignement du latin dans les royaumes, l’ogam était tombé en désuétude. Fidelma l’avait cependant étudié car de nombreux textes n’existaient que sous cette forme archaïque.
Gadra s’amusa de la stupéfaction de Fidelma tandis qu’elle saisissait la simplicité de sa méthode.
— Voulez-vous essayer ? lui demanda-t-il.
Fidelma hocha la tête avec enthousiasme.
Gadra échangea quelques informations avec Móen, puis il s’adressa à la religieuse.
— Vous prenez la paume de la main de Móen, et vous utilisez comme ligne de base celle qui va de la première phalange du majeur à la pliure du poignet. Maintenant, présentez-vous en inscrivant votre nom.
Fidelma traça maladroitement trois traits au-dessus de la ligne pour f, cinq points sur la ligne pour i, deux traits au-dessous pour d, quatre points au-dessus pour e, deux traits au-dessous pour l, un trait en travers pour m, et un seul point pour a.
Puis elle attendit la réponse.
Le jeune homme sourit et prit la main gauche qu’elle lui offrait. Une diagonale pour m, deux points sur la ligne pour o, une courte pause puis quatre points pour e et quatre traits vers la droite pour n. Móen.
Fidelma était en admiration devant la simplicité de cet agencement, et scandalisée que ce jeune homme fin et sensible ait été traité plus bas que terre.
Elle commença à épeler lentement les mots sur la paume de Móen.
— Je suis une avocate des cours de justice venue enquêter sur les meurtres d’Eber et Teafa. Vous me comprenez ?
— Oui. Je ne les ai pas tués.
— Racontez-moi ce qui s’est passé.
Aussitôt le jeune homme entama son récit, mais ses doigts bougeaient avec une telle rapidité que Fidelma dut l’interrompre.
— Vous allez trop vite. Je ne suis pas habituée à ce mode de communication. Gadra va nous servir d’intermédiaire.
— Très bien.
Fidelma se redressa, expliqua à Gadra ce qu’elle attendait de lui et il la relaya aussitôt. Puis la porte s’ouvrit sur Dubán qui les regarda d’un air ébahi tandis que Fidelma se tournait vers lui d’un air impatient. Gêné, il se balança d’un pied sur l’autre.
— Critán s’est plaint que...
— Je suis parfaitement consciente de ce que Critán a pu vous raconter.
Dubán changea aussitôt de tactique.
— Je comprends que le comportement de ce garçon vous agace, dit-il, et je veillerai à ce qu’il ne s’occupe plus de Móen puisque c’est ce que vous désirez.
Il jeta un coup d’œil à Gadra et Móen.
— C’est donc vrai ce qu’on raconte ? Ils communiquent entre eux ?
— Oui, je m’y suis même essayée avec Móen et ça fonctionne très bien. Cela vous dérangerait-il d’attendre dehors ? Lors de cet interrogatoire, nous devons accorder à Móen les mêmes protections qu’à n’importe lequel d’entre nous dans le cadre de la loi.
Le commandant des gardes se retira d’un air déçu.
Fidelma et Eadulf se concentrèrent à nouveau sur Móen qui traçait avec une étonnante virtuosité des signes sur la paume de Gadra. De temps à autre, l’ermite arrêtait le jeune homme et lui posait une question pour clarifier ses déclarations. Puis il entreprit de servir d’interprète entre Fidelma et Móen.
— Móen, avez-vous tué Eber et Teafa ? commença Fidelma.
— Non.
Une pause.
— J’aimais Teafa. Elle m’a élevé comme son fils.
— Dites-nous ce qui s’est passé la nuit où vous avez été fait prisonnier.
— Je vais essayer.
— Prenez votre temps et donnez-nous tous les détails dont vous vous souviendrez.
— Bien. J’ai parfois des difficultés à trouver le sommeil et il m’arrive d’aller me promener.
— Pendant la nuit ?
La nuit ou le jour, pour moi cela ne fait aucune différence.
Móen sourit à sa propre plaisanterie.
— Et donc cette nuit-là vous êtes allé marcher ?
— Oui.
— Savez-vous quelle heure il était ?
— Hélas non. Pour moi, le temps n’a pas le même sens que pour vous, mais je distingue le froid et le chaud et je perçois les odeurs. Je peux donc vous préciser qu’il faisait froid et humide mais je ne sentais pas les fleurs. Je me suis levé et j’ai ouvert la porte. Je me déplace sans bruit.
— Vous retrouvez facilement votre chemin dans le village ?
— Oui, mais il m’arrive de buter sur un objet qu’on a laissé traîner au milieu du chemin. Parfois je tombe, je réveille les chiens et les gens sont furieux. Mais d’habitude, je me débrouille assez bien.
— Où êtes-vous allé cette nuit-là ?
— Difficile à dire mais je peux vous montrer.
— Plus tard. Qu’avez-vous fait au cours de votre promenade ?
— Rien de spécial. Je me suis assis au bord de l’eau pour respirer les senteurs de la terre qui apaisent l’âme et le corps. Mais à cette heure, les exhalaisons sont plus faibles.
— Vous êtes allé au bord de la rivière ?
— Oui, l’eau qui court.
— Cela vous arrive souvent ?
— Oui. Je m’assieds là et je réfléchis, c’est un de mes grands plaisirs dans la vie, surtout en été.
Fidelma s’extasia en silence sur l’intelligence et la sensibilité du jeune homme.
— Ensuite ?
— J’ai voulu rentrer.
— Chez Teafa ?
— Oui. Mais en arrivant devant la porte, quelqu’un m’a attrapé par le bras et m’a glissé un morceau de bois dans la main. Puis, de l’autre main, il m’a fait caresser la baguette pour être sûr que je comprenne ce qui était écrit dessus, avec l’alphabet que nous utilisons maintenant.
— Qui était-ce ?
— Je l’ignore. Je ne connaissais pas son odeur.
— Que disaient les symboles ?
— Eber veut te voir.
— Qu’avez-vous fait ?
— J’ai obéi.
— Vous n’avez pas pensé à réveiller Teafa ?
— Elle n’aurait pas approuvé ma visite à Eber.
— Pourquoi donc ?
— Elle pensait que c’était un méchant homme.
— Et vous ?
— Eber s’est toujours montré gentil avec moi. Il me donnait des bonnes choses à manger, je sentais sa main sur ma tête et mon visage, mais il ne possédait pas les connaissances suffisantes pour communiquer avec moi. J’ai demandé à Teafa de lui apprendre mais elle ne voulait pas.
— Elle vous a expliqué pourquoi ?
— Elle s’y est toujours refusée.
— Donc quand vous avez reçu ce message, vous avez pensé qu’il avait découvert le moyen d’entrer en contact avec vous ?
— Oui. Si Eber était en mesure de maîtriser l’écriture, il pouvait me parler.
Le raisonnement était logique.
— Qu’avez-vous fait avec la baguette ?
Móen marqua une pause.
— Je crois que je l’ai laissée tomber. Non, j’ai heurté quelque chose, elle m’a échappé des mains et je n’ai pas pris la peine de la ramasser. J’étais impatient de rejoindre Eber.
— Vous avez trouvé votre chemin jusque chez lui ?
— Ce n’était pas difficile.
— Ensuite ?
J’ai frappé à la porte, comme Teafa me l’a appris. Puis j’ai soulevé la clenche et je suis entré. Personne n’a approché. Je suis resté là un moment et j’ai pensé qu’il y avait sans doute une autre pièce. En longeant les murs, j’ai trouvé une deuxième porte, j’ai encore frappé, puis je l’ai ouverte.
— Et alors ?
— Rien. J’attendais qu’Eber vienne à ma rencontre. J’ai alors songé à une troisième pièce et en cherchant mon chemin je suis tombé sur un objet chaud. Une lampe qui vous sert à voir dans le noir.
Fidelma hocha la tête, puis réalisa que son mouvement était inutile.
— Oui, une lampe était allumée sur une table, confirma-t-elle.
— J’ai fait le tour de la table et mes pieds ont rencontré l’extrémité d’une paillasse. J’ai décidé de passer par-dessus pour poursuivre ma progression en utilisant le mur comme guide. J’étais obnubilé par la troisième porte. Quand je me suis retrouvé à quatre pattes sur la paillasse...
Le mouvement des doigts s’arrêta... puis reprit.
— J’ai compris qu’un homme était étendu là. Je l’ai touché et il était mouillé et collant. Quand j’ai porté un doigt à ma bouche, le goût salé m’a rendu malade. J’ai voulu explorer les traits de son visage mais ma main est tombée sur un objet froid et mouillé lui aussi, avec une lame très aiguisée. C’était un couteau.
Le jeune homme frissonna.
— Je me suis agenouillé, complètement perdu. J’ai tout de suite reconnu l’odeur d’Eber mais la vie l’avait quitté. J’ai voulu ressortir pour aller prévenir Teafa quand des mains brutales m’ont attrapé. J’ai eu très peur et je me suis débattu, alors on m’a frappé, on m’a entravé, et on m’a traîné jusqu’à un endroit puant. Personne ne s’approchait plus de moi. J’ai fini par comprendre qu’Eber avait été tué avec le couteau dont je m’étais saisi et j’ai passé une éternité dans un purgatoire. Mes geôliers ne pouvaient être que les assassins d’Eber ou des gens qui pensaient que je l’avais tué.
« J’ai essayé de trouver un morceau de bois pour graver un message à l’intention de Teafa. Je ne comprenais pas pourquoi elle m’avait abandonné. De temps à autre, on me jetait des bouts de nourriture et on me tendait un seau d’eau. Parfois j’arrivais à boire et à manger mais souvent je ne retrouvais pas les aliments par terre et personne ne m’aidait. Personne.
Il demeura un instant silencieux.
— Je ne sais pas combien de temps ça a duré. Finalement j’ai senti une odeur, la vôtre, Fidelma. Après ça, des mains rêches et dures m’ont lavé et m’ont correctement nourri. J’étais toujours enchaîné mais on m’a fourni une paillasse confortable et l’endroit sentait moins mauvais. Mais c’est seulement maintenant que je peux m’exprimer et comprendre ce qui s’est passé.
Fidelma poussa un profond soupir tandis que Gadra finissait de traduire les signes tracés par le jeune homme.
— Móen, vous avez été la victime d’une grande injustice, dit-elle enfin.
Gadra retranscrivit ses paroles.
— Même si vous aviez été coupable, rien ne justifiait que vous soyez traité comme un animal. Pour cela, je dois vous demander pardon.
— Vous n’avez rien à vous faire pardonner, Fidelma, car c’est vous qui m’avez tiré de cet enfer.
— Malheureusement, vous n’êtes pas encore sauvé, car il nous faut d’abord prouver votre innocence et identifier le coupable.
— Je comprends. Comment puis-je vous aider ?
— Grâce à vous, nous avons déjà beaucoup avancé et, plus tard, je m’entretiendrai à nouveau avec vous. En attendant, vous retournerez vivre dans la maison de Teafa, qui vous est familière. Si Gadra n’y voit pas d’objection, il prendra soin de vous jusqu’à ce que nos investigations soient terminées. Pour votre sécurité, je vous demanderai de ne pas sortir de chez vous, à moins que vous ne soyez accompagné.
— Je comprends. Merci, sœur Fidelma.
— Encore un détail, ajouta-t-elle.
— Quoi donc ?
— Vous avez dit que vous aviez senti mon odeur.
— Oui, je me suis retrouvé dans l’obligation de développer les sens que Dieu m’a laissés. Le toucher, le goût et l’odorat. Je peux aussi percevoir les vibrations, l’approche d’un cheval ou d’un petit animal, le courant de la rivière... ce qui me donne une bonne idée de ce qui se passe autour de moi.
Il sourit en direction de frère Eadulf.
— Par exemple, je sais que vous avez un compagnon, Fidelma.
Gêné, Eadulf changea de position.
— Je te présente frère Eadulf, intervint Gadra en s’activant sur la paume de Móen.
Puis il se tourna vers Eadulf.
— Si vous ne connaissez pas l’ogam, venez serrer la main de Móen.
Eadulf s’avança et s’exécuta d’un geste maladroit. Une pression répondit à sa poignée de main.
— Dieu vous bénisse, frère Eadulf, traduisit Gadra quand Móen recommença à écrire sur la paume du vieil homme.
— Revenons à votre sens de l’odorat, reprit Fidelma. Móen, essayez de vous souvenir de l’instant où une personne a saisi votre main pour y placer la baguette avec les inscriptions en ogam vous demandant de vous rendre auprès d’Eber. Vous m’avez confié ne pas avoir reconnu l’odeur de cette personne, mais confirmez-vous avoir perçu un effluve spécifique ?
Móen réfléchit un instant.
— Oui, et maintenant que j’y pense, c’était une fragrance de fleurs.
— Comment cela ? Selon votre témoignage, il faisait froid. Le jour ne s’était pas encore levé et les fleurs qui sentent la nuit sont peu nombreuses.
— Il s’agissait d’un parfum. J’ai d’abord cru que la personne qui me tendait la baguette était une femme mais les mains qui ont touché les miennes étaient rudes et calleuses. Celles d’un homme, sans aucun doute. Le toucher ne ment pas.
— De quel genre de parfum s’agissait-il ?
— Je sais identifier les odeurs mais je ne peux pas leur donner un nom, comme vous. Cependant, je suis formel, les mains appartenaient à un homme.
Fidelma se renversa sur sa chaise.
— Très bien. Gadra, je vous confie la garde de Móen. Pour l’instant, veillez à ce qu’il ne quitte pas la maison.
Gadra lui adressa un regard anxieux.
— Croyez-vous que le garçon soit innocent des crimes dont on l’accuse ?
Fidelma détourna la tête.
— Croire et prouver sont deux étapes distinctes, Gadra. Faites de votre mieux pour le bien-être de Móen et je vous tiendrai informé.
L’ermite conduisit Móen vers la porte gardée par Dubán. Après que Fidelma lui eut communiqué ses instructions, le guerrier s’écarta pour laisser passer les deux hommes.
— Certaines personnes dans le rath n’apprécieront guère cette décision, grommela-t-il.
Les yeux de Fidelma jetèrent des éclairs.
— Je suis ravie d’apprendre que les coupables seront mécontents.
Dubán cligna des paupières.
— J’en informerai Crón. D’autre part, j’ai à vous annoncer une nouvelle qui devrait retenir votre attention.
— Quelle est-elle ?
— Un cavalier vient d’arriver au rath. Une ferme isolée a été attaquée tôt ce matin et je pars sur-le-champ avec des hommes pour porter assistance aux paysans. Je crois que cela vous intéressera d’apprendre de quelle ferme il s’agit.
— Venons-en aux faits, Dubán.
— Des bandits ont donné l’assaut à la propriété d’Archú.
Eadulf émit un sifflement.
— Quelqu’un a-t-il été blessé ?
— Un berger des environs est venu nous prévenir. Il a vu du bétail s’enfuir, une grange en feu et il pense que quelqu’un a été tué.
— Qui ? s’écria Fidelma.
— Il l’ignore.
— Où est-il ?
— Il a quitté le rath pour retourner veiller sur son troupeau.
Eadulf se tourna vers Fidelma :
— Voilà qui est plutôt curieux. Archú nous avait affirmé qu’il était seul avec Scoth dans cette vallée.
— Dubán, nous allons vous accompagner. Je me suis attachée à ces jeunes gens et leur sort ne m’est pas indifférent. Je soupçonne Muadnat d’avoir organisé ce raid et d’en faire porter la responsabilité aux voleurs de bétail.
— Je n’aime pas beaucoup Muadnat, mais je l’imagine mal se livrant à une manœuvre aussi stupide. Vous le jugez mal. De plus, nous avons vu les bandits de nos propres yeux.
Eadulf se mordit la lèvre.
— Il a raison, Fidelma, vous ne pouvez nier la présence de ces brigands.
Fidelma lui jeta un regard agacé et revint à Dubán.
— Nous avons, en effet, croisé des cavaliers, mais ils se dirigeaient vers le sud et emmenaient des ânes chargés de paniers de bât. Où avez-vous vu des vaches ? Je crois qu’il est temps de se mettre en route pour la ferme d’Archú.